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Le gouvernement de la sécurité sociale ( 4/5) 2000-2009 des ajustements significatifs réduisent le rôle des partenaires sociaux.

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Ce billet est le quatrième d’une série consacrée à l’évolution du gouvernement de la sécurité sociale (et particulièrement de la branche maladie). Il traite de quelques ajustements parmi les plus notables – relativement au gouvernement de la sécurité sociale – après la réforme Juppé de 1996 que nous avons traitée dans un précédent billet.

Pour une présentation générale de cette série, ainsi que la liste des billets qui la composent, on pourra consulter cette page.


Sommaire


4 Des réformes complémentaires réduisent encore le rôle des partenaires sociaux.

Depuis 1996, il n’y a pas eu de réforme de « rupture » de la sécurité sociale, mais de constants et très nombreux ajustements, ne serait-ce qu’avec les lois annuelles de financement de la sécurité sociale.

J’ai essayé ici d’évoquer quelques textes legislatifs particulièrement significatifs au regard du gouvernement de la branche maladie notamment. Mais ces choix sont de mon fait, établis au hasard de mes lectures, et non le résultat d’une approche de spécialiste formé sur le sujet.

4.1 Décret 2000-685 - Une direction de la sécurité sociale au pouvoir renforcé

Le décret n° 2000-685 du 21 juillet 2000 relatif à l’organisation de l’administration centrale du ministère de l’Emploi et de la Solidarité et aux attributions de certains de ses services décrit précisément, entre autres, les attributions de la direction de la sécurité sociale.

Pour appréhendre l’importance de ce décret de Martine Aubry, j’ai senti la nécessité de faire un historique des évolutions des attributions de la direction de la sécurité sociale.

4.1.1 Principales évolutions des attributions de la direction de la sécurité sociale avant 2000

J’ai essayé, autant que faire se peut par un non spécialiste, de retracer ici les principales évolutions des attributions de la direction de la sécurité sociale.

En 1945, l’article 27 créait la direction générale de la sécurité sociale qui était uniquement « chargée de l’application de l’ensemble des législations de sécurité sociale » (voir ce billet).

« Elle disparaît en 1966, remplacée par la direction de l’assurance maladie et des caisses de sécurité sociale et la direction générale de la famille, de la vieillesse et de l’action sociale. » (source Wikipedia)

En 1966, la lecture des textes montre d’une part que cette direction de l’assurance maladie n’est plus sous la tutelle du ministère du travail, d’autre part qu’elle est chargée de l’élaboration des textes et du suivi de leur application :

  • Décret 66-490 du 7 juillet 1966 portant organisation de l’administration centrale du ministère des affaires sociales. page 27 de la version numérisée du JORF. L’article 1 spécifie « Il est institué à l’administration centrale du ministère des affaires sociales une direction de l’assurance maladie et des caisses de sécurité sociale. »
  • Arrêté du 10 août 1966 Organisation de la direction de l’assurance maladie et des caisses de sécurité sociale au sein du ministère des affaires sociales, pages 14 et 15 de la version numérisée du JORF. Il abroge (article 6) l’arrêté du 3 aout 1964 du ministère du travail fixant la répartition des attributions de la direction de la sécurité sociale, que je n’ai pas été capable de trouver sur Légifrance.
    La direction de l’assurance maladie est structurée en quatre sous-directions : prestations d’assurance maladie et d’accidents du travail, action sanitaire et contrôle médical, affaires financières, affaires administratives (Article 1).
    La sous-direction prestations d’assurance maladie et accidents du travail est chargée de l’élaboration des textes legislatifs et réglementaires de son périmètre (maladie, maternité, invalidité, décès, AT/MP). Elle en suit l’application dans le régime général et les régimes spéciaux. Elle est notamment compétente en matière de fixation des tarifs d’honoraires et de remboursements des soins médicaux (Article 2).

La réforme de 1967 (voir ce billet précédent) :
– n’évoque pas l’organisation administrative et donc pas la direction de l’assurance maladie ;
– précise néanmoins dans son article 2 (comme vu précédemment) que « La caisse nationale émet un avis sur tous les projets de loi et de règlement intéressant les matières de sa compétence » ;
– attribue une tutelle conjointe au ministère en charge de la santé et au ministère des finances (comme vu précédemment).

« En 1970, la direction de la sécurité sociale est créée au sein du ministère de la santé publique et de la sécurité sociale. » (source Wikipedia)

Le décret 70-1052 du 13 novembre 1970 indique (page 24 de la version numérisée du JORF correspondant) dans son article 1er que la direction générale de la santé, la direction de la sécurité sociale, la direction des hôpitaux, la direction des affaires sociales et la direction centrale de la pharmacie et des médicaments sont intégrées à l’administration centrale du ministère de la santé publique et de la sécurité sociale.
Les articles 2 et 4 précisent les domaines d’attribution de la direction de la sécurité sociale : identiques à ceux de la précédente direction de l’assurance maladie et des caisses de sécurité sociale, avec de plus (article 4) ceux concernant les prestations familiales, l’assurance vieillesse, les régimes spéciaux et les régimes complémentaires. L’action sociale des caisses d’assurance maladie est attribuée à la direction des affaires sociale (article 2).

Concernant les évolutions ultérieures de la direction de la sécurité sociale, je n’ai pas été capable de trouver ensuite de texte avant 2000.

4.1.2 En 2000, la direction de la Sécurité sociale conçoit désormais les politiques relatives à la Sécurité sociale et assure leur mise en œuvre

« Selon un décret du 21 juillet 2000 la direction de la Sécurité sociale conçoit les politiques relatives à la Sécurité sociale et assure leur mise en œuvre. Sa mission générale est d’assurer l’adéquation des prestations de sécurité sociale avec les besoins de la population, tout en veillant à l’équilibre financier des ressources. Pour cela, elle prépare notamment les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). » (source Wikipedia)

L’article 6 du décret n° 2000-685 du 21 juillet 2000 relatif à l’organisation de l’administration centrale du ministère de l’Emploi et de la Solidarité et aux attributions de certains de ses services, qui précise les attributions de la direction de la sécurité sociale, a peu évolué depuis. Il est intéressant de le citer in extenso car il est clair et structurant :

« Art. 6. - La direction de la sécurité sociale est chargée de l’élaboration et de la mise en oeuvre de la politique relative à la sécurité sociale.
A ce titre :
– elle prépare les lois de financement de la sécurité sociale, en liaison avec les différentes directions concernées du ministère dont elle coordonne les contributions, veille à l’exécution de ces lois et assure le suivi financier des différents régimes de sécurité sociale ;
– elle conçoit et met en oeuvre les politiques relatives à la régulation du système d’assurance maladie et à la prise en charge des soins par la couverture maladie universelle ;
– elle élabore et met en oeuvre les politiques relatives aux prestations familiales et à la couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse, veuvage, accidents du travail et maladies professionnelles ;
– elle est chargée de la politique de financement des régimes de sécurité sociale, en liaison notamment avec la politique de l’emploi ;
– elle conçoit la politique relative à l’utilisation des technologies de l’information dans le domaine de la sécurité sociale et en suit la mise en oeuvre ;
– elle assure la tutelle sur les organismes de sécurité sociale du régime général, des régimes de base des professions indépendantes autres qu’agricoles, des régimes spéciaux et sur les fonds et organismes concourant au financement de la sécurité sociale ; elle participe à la surveillance des organismes de protection complémentaire et de mutualité ; elle prépare les conventions d’objectifs et de gestion conclues entre l’Etat et les organismes de sécurité sociale et en assure la mise en oeuvre ;
– elle assure la négociation et le suivi des engagements internationaux de la France en matière de sécurité sociale et participe aux différentes instances européennes compétentes en ce domaine en liaison avec la délégation aux affaires européennes et internationales.
La direction de la sécurité sociale assure le secrétariat du comité interministériel de coordination en matière de sécurité sociale, de la commission des comptes de la sécurité sociale et du comité économique des produits de santé. »

Quelques missions de la direction de la sécurité sociale selon l'article 6 du décret n° 2000-685 du 21 juillet 2000

Quelques missions de la direction de la sécurité sociale

selon l’article 6 du décret n° 2000-685 du 21 juillet 2000

4.1.3 En conclusion, un pilotage stratégique dorénavant conçu par une administration centrale.

Cet article 6 est toujours en vigueur. Il a été modifié (en 2013) pour inclure les régimes agricoles dans la tutelle exercée par la direction de la sécurité sociale : « elle assure la tutelle sur les organismes de sécurité sociale du régime général, des régimes de base des professions indépendantes, des régimes spéciaux, sur les organismes de protection sociale des régimes agricoles et sur les fonds et organismes concourant au financement de la sécurité sociale ; » etc.

On constate donc un passage par trois étapes bien marquées :

  1. une direction de la sécurité sociale qui applique les textes et contrôle leur application (1945), sachant que le premier directeur de la sécurité sociale (Pierre Laroque) est crédité de la parternité des textes qui la fondent ;
  2. une direction de l’assurance maladie (puis de la sécurité sociale en 1970) qui élabore les textes et suit leur application (1966) ;
  3. une direction de la sécurité sociale qui conçoit les politiques de régulation de l’assurance maladie, la politique de financement, etc. et les met en oeuvre (2000).
La cascade de pouvoir des directeurs de l'assurance maladie Selon les articles 53, 55 58 et 66 de la loi de 2004

Attributions de la direction de la sécurité sociale

Évolutions de 1945 à 2000

Ainsi, l’élaboration des politiques relatives à l’assurance maladie est dorénavant de la responsabilité d’une direction d’administration centrale, la direction de la sécurité sociale.

4.2 Loi 2004-810 - Un nouveau mode de gouvernement de l’assurance maladie qui attribue le pouvoir aux directeurs.

Pour une présentation contextuelle rapide de la réforme 2004 de l’assurance maladie, on consultera le site de l’INA.

Schématiquement, la loi de 2004 dite loi Douste-Blazy :

  • modifie le gouvernement de l’assurance maladie :

« A noter que, depuis la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, la gouvernance au sein de la branche maladie est inversée : le directeur de chaque organisme dispose d’une compétence générale et notamment propose le budget au conseil, dont le rôle en matière de gestion de l’organisme est, à la différence des autres branches, limité à la définition des orientations. »
(Source site de la sécurité sociale, page Gouvernance)

  • et élargit ses compétences :

« Concrètement, l’Assurance Maladie voit ses compétences élargies, notamment pour assurer la cohérence de la politique de santé. Elle est désormais associée à la définition de la politique hospitalière et de la politique du médicament. Elle se voit confier des pouvoirs nouveaux dans le domaine des soins de ville. Objectif : gérer de manière cohérente les biens et services de soins, les relations avec les professionnels de santé et le partage des données de santé. »
(source site de l’assurance maladie, page Notre histoire)

Voyons ça plus précisément.

4.2.1 Une loi dédiée à la réforme de l’assurance maladie, qui va de la création du DMP à celle de l’Institut des données de santé.

La loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie modifie le code de la sécurité sociale ainsi que le code de la santé publique en 76 articles d’une lecture généralement difficile.

En préambule, son article 1er ajoute l’article L111-2-1 au code de la sécurité sociale, article dont le premier alinéa précise « La Nation affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de l’assurance maladie. ».
Je trouve cette formulationaffirme son attachement») étrange, pour un code législatif et réglementaire. Et l’aspect incantatoire de cet article ne s’est pas amélioré avec les années, à mon avis, comme on peut le constater en en lisant la version actuelle.

La loi Douste-Blazy est structurée en trois titres :

  1. Titre I : Dispositions relatives à l’organisation de l’offre de soins et à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé (articles 2 à 34), avec, entre autres, l’instauration du dossier médical personnel (article 3 et suivants), du médecin traitant (article 7 et suivants) ou encore de la participation forfaitaire des assurés (article 20 et suivants).
  2. Titre II : Dispositions relatives à l’organisation de l’assurance maladie (articles 35 à 69) que nous détaillons ci-dessous.
  3. Titre III : Dispositions relatives au financement de l’assurance maladie (articles 70 à 76) dont on notera l’article 70 qui confirme et élargit la notion de mesures compensées par l’État par la modification de l’article L131-7 du code de la sécurité sociale, instauré par l’article 5 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale. Un prochain billet sur l’ONDAM nous permettra d’approfondir cette notion de mesures compensées par l’État et son impact sur l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.
    D’autres mesures peuvent être mentionnées comme l’augmentation de la CSG (l’article 72 touche notamment les articles L136-2 et L136-8 du code de la sécurité sociale), l’augmentation ou la création de contributions d’entreprises du secteur de la santé et des sociétés en général (article 73, article 74, article 75), ou encore la prolongation sans limite calendaire de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) qui devait s’éteindre initialement en janvier 2009 (1° de l’alinéa I de l’article 76).
Représentation schématique et partielle des titres I & III de la Loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie

Représentation schématique et partielle des titres I & III de la loi

Loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie

Dans le cadre de ce billet, je ne m’intéresse qu’au titre II «Dispositions relatives à l’organisation de l’assurance maladie» découpé en six sections (les liens ci-dessous renvoient aux chapitres de ce billet) qui sont :

La figure ci-dessous liste des dispositions importantes du titre II de la loi de 2004. Les chiffres en gras correspondent aux numéros des sections étudiées plus bas.

Représentation schématique et partielle du titre II de la Loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie

Représentation schématique et partielle du titre II de la loi

Loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie

4.2.2 Enrichissement des dispositifs d’encadrement et de supervision des dépenses de santé avec la création de la HAS, des MECSS, du Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie ou encore du Conseil de l’hospitalisation

4.2.2.1 Section 1 : création de la Haute Autorité de santé (Articles 35 à 37)

L’article 35 institue la Haute Autorité de santé (HAS) par l’ajout d’un chapitre entier du code de la sécurité sociale.
Il s’agit du chapitre 1 bis : Haute Autorité de santé (Articles L161-37 à L161-46).

Il faut noter que ces nouvelles dispositions du code de la sécurité sociale font références explicites au code de la santé publique, sans toutefois modifier celui-ci, si j’ai bien lu.

Évaluer, recommander & mesurer les produits comme les actes

L’article L161-37 du code de la sécurité sociale explicite le rôle de la HAS et précise que « la Haute Autorité tient compte des objectifs pluriannuels de la politique de santé publique mentionnés à l’article L. 1411-2 du code de la santé publique. »
Le rôle de la HAS est résumé sur son site comme articulé en  :

  • «Évaluer les médicaments, dispositifs médicaux et actes professionnels en vue de leur remboursement
  • Recommander les bonnes pratiques professionnelles, élaborer des recommandations vaccinales et de santé publique
  • Mesurer et améliorer la qualité dans les hôpitaux, cliniques, en médecine de ville, dans les structures sociales et médico-sociales.»

Pour ce faire, la loi de 2004 explicite les cinq missions de la HAS, que nous avons illustrées dans ce graphique :

Missions de la haute autorité de santé (HAS) selon l'Article 35 de la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie

Missions de la haute autorité de santé (HAS)

Article 35 de la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie

À cette fin, la HAS :

  • est aussi « chargée d’établir une procédure de certification des sites informatiques dédiés à la santé et des logiciels d’aide à la prescription médicale ayant respecté un ensemble de règles de bonne pratique » (article L161-38)
  • « peut procéder, à tout moment, à l’évaluation du service attendu d’un produit, d’un acte ou d’une prestation de santé ou du service qu’ils rendent. Elle peut être également consultée, notamment par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, sur le bien-fondé et les conditions de remboursement d’un ensemble de soins ou catégorie de produits ou prestations et, le cas échéant, des protocoles de soins les associant. » (article L161-39)

On voit donc que c’est un rôle extrêmement sensible, pour cette « autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale » (article L161-37).

À noter que, selon le dossier de presse diffusé pour sa création, « La Haute Autorité de santé reprend les missions de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes), les missions de la Commission de la Transparence, celles de la Commission d’évaluation des produits et prestations et du Fonds de promotion de l’information médicale et médico-économique (Fopim). Ces missions se trouvent toutefois sensiblement élargies. »
La loi de 2004 spécifie effectivement à l’article 36 que
– « A compter de cette date, la Haute Autorité de santé succède à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé dans ses droits et obligations au titre du fonds de promotion de l’information médicale et médico-économique. »
– ainsi que « La Haute Autorité de santé assume en lieu et place de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé les droits et obligations de l’employeur vis-à-vis de ses personnels. ».
– et enfin que « Les biens, droits et obligations de l’agence précitée sont transférés à la Haute Autorité. »

En revanche, je n’ai pas trouvé mention de la Commission de la transparence dans la loi de 2004.

Un collège de spécialistes nommés par l’État

Revenons à la lecture de l’article 35. L’organe de pilotage de la HAS est un collège : « La Haute Autorité de santé comprend un collège et des commissions spécialisées présidées par un membre du collège et auxquelles elle peut déléguer certaines de ses attributions. » (article L161-41). Ce collège « est responsable des orientations stratégiques, de la programmation et de la mise en oeuvre des missions assignées à la Haute Autorité de santé par le législateur » (selon le site de la HAS).

« Les membres du collège sont nommés par décret du Président de la République» et «Le président du collège est nommé dans les mêmes conditions parmi ses membres » (article L161-42). Le collège était initialement composé de huit membres, dont deux nommés respectivement par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le président du Conseil économique et social (article L161-42).

Nomination des membres de la HAS selon l'Article 35 de la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie

Nomination des membres de la haute autorité de santé (HAS)

Article 35 de la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie

L’ordonnance 2017-84 du 26 janvier 2017 relative à la Haute Autorité de santé va profondemment modifier les attributions de nomination des membres, puisque le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social ne nommeront plus qu’un membre chacun, que le Président de la république nommera « le président du collège, président de la Haute Autorité de santé » et que le reste des membres sera désigné par « les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale » (article L161-42 à 2017). À noter que cette ordonnance instituait une parité hommes/femmes au sein du collège et que, bizarrement, le nombre de membres était de sept.
L’article 73 de la loi 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé portera à quatre le nombre de membres désignés par « les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale », le nombre de membres du collège étant à nouveau de huit (article L161-42 à 2019).

Nomination des membres de la HAS selon l'Article 3 de la loi 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé

Nomination des membres de la haute autorité de santé (HAS)

Article 3 de la loi 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé

Ainsi, à des nominations initialement uniquement politiques (présidents de la République, du Sénat, etc.) se mélangent dorénavant des nominations plus technocratiques (« les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale »).

En complément de cette lecture de la loi, on peut ajouter quelques points :

4.2.2.2 Section 2 : Objectifs de dépenses et de recettes (Articles 38 à 40) - Mise en place des MECSS, création du Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, montée du pouvoir de la Cour des comptes au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale

Cette section apporte un certain nombre d’évolutions marquantes :

L’article 40 modifie aussi l’article L114-1 du code de la sécurité sociale qui concerne la Commission des comptes de la sécurité sociale.
Ainsi, le secrétaire général n’est plus nommé par le ministre chargé de la sécurité sociale (comme on l’avait vu dans le billet précédent) mais la Commission « est assistée par un secrétaire général permanent, nommé par le premier président de la Cour des comptes pour une durée de trois ans, qui assure l’organisation de ses travaux ainsi que l’établissement de ses rapports. »
Ceci renforce le rôle de la Cour dans le contrôle de la sécurité sociale. Au contrôle périodique (le rapport annuel, voir billet précédent) s’ajoute un regard permanent.

Contrôles externes permanents et périodiques des LFSS (titre II section 2) de la Loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie

Contrôles externes permanents et périodiques des LFSS (titre II section 2)

Loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie

Par ailleurs, l’article 39 insère un chapitre « Objectifs de dépenses et de recettes » dans le code de la sécurité sociale, constitué du seul article L111-11. Il indique que chaque caisse nationale d’assurance maladie transmet « des propositions relatives à l’évolution de ses charges et de ses produits au titre de l’année suivante et aux mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre » avant le 30 juin de chaque année, au ministre de tutelle et au Parlement.

4.2.2.3 Section 3 : Compétences des organismes d’assurance maladie en matière de remboursement des produits, actes ou prestations de santé remboursables (Articles 41 à 47)

Cette section effectue de nombreuses modifications du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique.

Elle traite, par exemple,
– du Comité économique des produits de santé (article 43 sur la partie concernant l’article L162-17-3 du code de la sécurité sociale)
– ou encore de la création du Conseil de l’hospitalisation « auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale » via l’article 45 insérant l’article L162-21-2 au code de la sécurité sociale. L’article précise que ce Conseil « contribue à l’élaboration de la politique de financement des établissements de santé ainsi qu’à la détermination et au suivi de la réalisation des objectifs de dépenses d’assurance maladie relatives aux frais d’hospitalisation. » Il donne « également un avis sur les orientations de la politique salariale et statutaire et les conséquences financières de chaque projet d’accord ou de protocole d’accord destiné à être conclu entre l’Etat et les organisations syndicales ».

4.2.2.4 Section 4 : Dispositif conventionnel (Articles 48 à 52)

Cette section traite de diverses problématiques qui vont de la question des ayant-droits (article 49) aux conventionnements avec des médecins libéraux (article 51 pour lutter contre les déserts médicaux, par exemple).

4.2.3 Section 5 : Organisation de l’assurance maladie (Articles 53 à 65) - Un renversement des pouvoirs au sein du gouvernement de l’assurance maladie et création de l’UNCAM

Toujours au au titre II « Dispositions relatives à l’organisation de l’assurance maladie », la section 5 « Organisation de l’assurance maladie (Articles 53 à 65) » va modifier les rapports de pouvoir au sein de l’assurance maladie.

4.2.3.1 De quelques articles de la section 5 annexes au gouvernement de l’assurance maladie

Mais avant de traiter les articles de la section 5 centrés sur le gouvernement de l’assurance maladie, on peut évoquer les autres articles pour mémoire.

L’article 62 stipule que « Le Centre national d’études supérieures de sécurité sociale est transformé en Ecole nationale supérieure de sécurité sociale » et ajoute (article L123-4 du code de la sécurité sociale) que « L’Ecole nationale supérieure de sécurité sociale peut recruter des agents de droit privé régis par les conventions collectives applicables au personnel des organismes de sécurité sociale. »

L’article 63 permet désormais aux « directeurs des organismes de sécurité sociale » ainsi qu’aux « praticiens conseils du régime général, du régime agricole » et du régime des indépendants d’être « intégrés à l’Inspection générale des affaires sociales » (IGAS).

L’article 64 crée le groupement « Institut des données de santé » (IDS) par l’article L161-36-5 du code de la sécurité sociale. Cet Institut a « pour mission d’assurer la cohérence et de veiller à la qualité des systèmes d’information utilisés pour la gestion du risque maladie et de veiller à la mise à disposition de ses membres […] à des fins de gestion du risque maladie ou pour des préoccupations de santé publique ».
L’article 193 de la loi 2016-41 du 26 janvier 2016 « de modernisation de notre système de santé » abroge l’article L161-36-5 (qui créait l’IDS) du code de la sécurité sociale et, entre autres, crée l’Institut national des données de santé (INDS) par l’article L1462-1 du code de la santé publique. En complément, l’article L1461-1 institue le système national de données de santé, pour lequel la CNAM du régime général est « responsable du traitement ».
Enfin, l’INDS sera remplacé en 2019 par la Plateforme des données de la santé par l’arrêté du 29 novembre 2019 qui modifie pour ce faire les articles L1460-1, L1461-1 et L1462-1 du code de la santé publique crééent par l’article 193 de la loi de 2016 déjà citée « de modernisation de notre système de santé ».
La première des missions de cette plateforme est « De réunir, organiser et mettre à disposition les données du système national des données de santé mentionné à l’article L. 1461-1 du code de la santé publique, leur documentation et les programmes facilitant leur exploitation. »

Les différentes étapes de gouvernement des données de santé : 2004, 2016 et 2019

Les différentes étapes de gouvernement des données de santé

Loi 2004-810 du 13 août 2004, loi 2016-41 du 26 janvier 2016, arrêté du 29 novembre 2019

L’arrêté du 29 novembre 2019 stipule à l’article 1er que « Le groupement d’intérêt public anciennement dénommé «Institut national des données de santé» prend le nom « Plateforme des Données de Santé ». Il est désigné par « Plateforme » ci-après et « Health Data Hub » dans le cadre de ses communications à rayonnement international. »
Il est amusant de constater que la dénomination Health data hub est la seule, pour ainsi dire, utilisée à destination du grand public que nous sommes. Sans doute le « rayonnement international » permet-il d’échapper à la loi du 4 août 1994 «relative à l’emploi de la langue française».

L’article 65 est formulé de la sorte « Les caisses nationales de sécurité sociale contribuent au financement du groupement d’intérêt public «Santé - Protection sociale» dans les conditions définies par arrêté ministériel. » Pour ma part, je n’ai trouvé trace que d’un GIP Santé Protection Sociale International (GIP SPSI).

4.2.3.2 L’État s’invite dans les caisses de l’assurance maladie.

On avait analysé dans le billet précédent de cette série la réforme de 1996 comme un rééquilibrage des pouvoirs en faveur de l’État, une « clarification des pouvoirs » avait écrit Rolande Ruellan.

Un processus à trois étages - Selon «La gouvernance de la Sécurité sociale à partir du plan Juppé de 1995» de R. Ruellan

Un processus à trois étages

Selon «La gouvernance de la Sécurité sociale à partir du plan Juppé de 1995» de R. Ruellan

On a vu au chapitre précédent que la loi de 2004 a, entre autres, renforcé les étages un (fixation des cadres) et trois (contrôle de la gestion) concernant l’assurance maladie.

Cette fois-ci, concernant l’assurance maladie, l’État s’installe à l’intérieur du deuxième étage (gestion par les caisses) du schéma ci-dessus, d’une manière directe (la mise en place des COG en 1996 avait été une manière indirecte de s’y inviter), par un transfert des pouvoirs du conseil d’administration au bénéfice du directeur.

Ce transfert s’effectue

Nous avions déjà tracé la montée en puissance du directeur de la caisse nationale et des directeurs des caisses locales dans le précédent billet de cette série. Mais ces caisses étaient toujours dotées d’un conseil d’administration qui en assurait le pilotage, tandis qu’était dévolu au directeur la gestion administrative quotidienne, en application des lois et réglements ainsi que des directives du conseil d’administation.
Ce n’est désormais plus le cas.

4.2.3.3 Article 53 : La CNAM n’a plus de conseil d’administration mais se voit dotée d’un conseil et d’un directeur général

L’article 53 restructure le gouvernement de l’assurance maladie. Dorénavant, «La caisse nationale est dotée d’un conseil et d’un directeur général» (article L221-2).

Les rôles respectifs du conseil et du directeur général font l’objet de l’article L221-3 et de l’article L221-3-1.

La première partie de l’article L221-3 détaille la composition du conseil qui s’apparente à la version de 1996 mais d’une part ne spécifie plus le nombre exact de membres et d’autre part n’y fait plus participer (parmi les voix consultatives) les associations familiales. En revanche il y est précisé que « Le conseil élit en son sein son président ».

L’article L221-3 traite ensuite du rôle du conseil qui est essentiellement de déterminer des orientations ainsi que «les budgets nationaux de gestion et d’intervention».

Mais, parmi les prérogatives du conseil listées dans l’article L221-3, les éléments relatifs à l’équilibre financier sont en fait sous la houlette du directeur général. Cela concerne :

  • « Les orientations de la politique de gestion du risque et les objectifs prévus pour sa mise en oeuvre »
  • « Les propositions prévues à l’article L. 111-11 relatives à l’évolution des charges et des produits de la caisse »
  • « Les budgets nationaux de gestion et d’intervention »

Ainsi, « Le directeur général prépare les orientations mentionnées au douzième alinéa, les propositions mentionnées au treizième alinéa et les budgets prévus au dix-neuvième alinéa en vue de leur approbation par le conseil. Le conseil peut, sur la base d’un avis motivé, demander au directeur général un second projet. Il ne peut s’opposer à ce second projet qu’à la majorité des deux tiers de ses membres. »
Cette capacité d’opposition est tellement improbable qu’il n’est rien prévu dans les textes (à ma connaissance) sur ce qui se passerait si elle s’exerçait.

Le conseil garde encore quelques prérogatives, comme cosigner avec le directeur général la convention d’objectifs et de gestion, procéder « aux désignations nécessaires à la représentation de la caisse dans les instances ou organismes européens ou internationaux au sein desquels celle-ci est amenée à siéger » et enfin « diligenter tout contrôle nécessaire à l’exercice de ses missions » mais seulement « sur le fondement d’un avis motivé rendu à la majorité des deux tiers de ses membres ».

L’article L221-3-1 va ensuite préciser les attributions du directeur général.

Le directeur général est nommé par décret pour cinq ans. La règle des 2/3 est encore mise à contribution en cas d’opposition par le conseil à cette nomination ou pour arrêter le mandat du directeur général avant les cinq ans :

  • « Le conseil, saisi pour avis par le ministre chargé de la sécurité sociale, peut à la majorité des deux tiers de ses membres s’opposer à la proposition de nomination du directeur général. »
  • Et « Le directeur général est nommé par décret pour une durée de cinq ans. Avant ce terme, il ne peut être mis fin à ses fonctions qu’après avis favorable du conseil à la majorité des deux tiers. »

La nomination du directeur général de la CNAM ne suit donc plus la règle générale instituée, comme nous l’avions vu, par la réforme de 1996 avec l’article L226-1 qui stipule « Le directeur de chaque caisse nationale et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale est nommé par l’autorité compétente de l’Etat après avis du président du conseil d’administration de l’organisme concerné ».

Les pouvoirs du directeur général sont sans ambiguïté (article L221-3-1) :

  • « Le directeur général dirige l’établissement et a autorité sur le réseau des caisses régionales et locales. Il est responsable de leur bon fonctionnement. A ce titre, il prend toutes décisions nécessaires et exerce toutes les compétences qui ne sont pas attribuées à une autre autorité. »
  • « Il négocie et signe la convention d’objectifs et de gestion », là où le conseil n’est que cosignataire.
  • « Le directeur général prend les décisions nécessaires au respect des objectifs de dépenses fixés par le Parlement. » Il a donc toute autorité pour appliquer les lois de financement de la sécurité sociale et notamment l’ONDAM, sans aucun rôle du conseil à cet égard.
  • « Le directeur général représente la caisse nationale en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il signe les marchés, conventions et transactions au sens de l’article 2044 du code civil, est l’ordonnateur des dépenses et des recettes de la caisse et vise le compte financier. Il recrute le personnel et a autorité sur lui. Il peut déléguer sa signature. »
  • « Dans le cadre de l’exercice de ses missions, le directeur général peut suspendre ou annuler toute délibération ou décision prise par une caisse locale ou régionale qui méconnaîtrait les dispositions de la convention d’objectifs et de gestion ».

De plus, toujours à l’article L221-3-1, des compétences lui sont explicitement attribuées et notamment :

  • « De prendre toutes décisions et d’assurer toutes les opérations relatives à l’organisation et au fonctionnement de la caisse nationale, à sa gestion administrative, financière et immobilière, et dans le cadre de cette gestion de contracter, le cas échéant, des emprunts »
  • « D’établir et d’exécuter les budgets de gestion et d’intervention et les budgets des différents fonds, de conclure au nom de la caisse toute convention et d’en contrôler la bonne application »
  • « De prendre les mesures nécessaires à l’organisation et au pilotage du réseau des caisses du régime général »

4.2.3.4 Article 58 : Pouvoir des directeurs des CPAM, disparition du conseil d’administration au sein des CPAM et du rôle de président

Au niveau des caisses locales, avec l’article 58 de la loi, les modifications apportées à la gouvernance sont dans la droite ligne des évolutions de la caisse nationale d’assurance maladie :

  • Abandon du conseil d’administration, « Chaque caisse primaire d’assurance maladie est dotée d’un conseil et d’un directeur » (article L211-2)
  • Organisations syndicales et organisations patronales à parité, représentants de la mutualité et représentants de l’État composent le conseil, sans précision de leur nombre. La notion de présidence du conseil n’est pas abordée (ni sa nomination ou son élection par conséquent). (article L211-2)
  • Le conseil de la CPAM a pour rôle de déterminer les « orientations du contrat pluriannuel de gestion », les « objectifs poursuivis pour améliorer la qualité des services rendus à l’usager », les « axes de la politique de communication à l’égard des usagers », les « axes de la politique de gestion du risque » mais toujours « sur proposition du directeur ». (article L211-2-1)
  • De même, le conseil « approuve, sur proposition du directeur, les budgets de gestion et d’intervention. Ces propositions sont réputées approuvées, sauf opposition du conseil à la majorité qualifiée, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. » (article L211-2-1) etc.
  • De son côté, le directeur « négocie et signe le contrat pluriannuel de gestion », « dirige la caisse primaire d’assurance maladie et est responsable de son bon fonctionnement » ou encore « représente la caisse en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il signe les marchés et conventions, est l’ordonnateur des dépenses et des recettes de la caisse, et vise le compte financier. Il recrute le personnel et a autorité sur lui. Il peut déléguer sa signature. ». Etc. (article L211-2-2)
  • Par ailleurs, le directeur « met en oeuvre les orientations décidées par le conseil » (qu’il avait lui-même proposé, comme on l’avait vu à l’article L211-2-1), « rend compte au conseil de la gestion de la caisse après la clôture de chaque exercice. Il rend également compte périodiquement au conseil de la mise en oeuvre des orientations définies par ce dernier. » (article L211-2-2)
  • Le directeur de la CPAM est nommé par le directeur général de la CNAM (qui peut aussi mettre fin à ses fonctions) en vertu de l’article L217-3-1 nouvellement inséré, alors que pour les autres branches l’article L217-3 est toujours appliqué (voir le précédent billet de cette série).
  • Les contrats pluriannuels de gestion signés entre les caisses nationales et les caisses locales, pour la mise en oeuvre des conventions d’objectifs et de gestion, sont cosignés d’une part par le président du conseil et le directeur général de la caisse nationale et d’autre part « par le président du conseil ou du conseil d’administration et le directeur de l’organisme concerné » (article L227-3). L’article 58, par l’ajout d’un alinéa, charge de cette signature uniquement d’une part le directeur général de la CNAM et d’autre part le directeur de l’organisme concerné « Toutefois, pour les organismes de la branche maladie autres que les caisses régionales, ces contrats sont signés par le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et le directeur de l’organisme concerné. »

4.2.3.5 Article 55 : Centralisation de la gestion des régimes obligatoire d’assurance maladie avec l’UNCAM, reconfiguration des modalités de délibération sur la couverture maladie (UNPS, UNOCAM, UNCAM)

« La loi Douste-Blazy reconfigure les modalités de délibération sur la couverture maladie en intégrant de manière institutionnalisée et centralisée tous les acteurs des soins et de leur prise en charge. Elle centralise la gestion des régimes obligatoires dans une nouvelle Union ­ l’UNCAM qui regroupe les trois régimes d’assurance maladie obligatoire (CNAMTS, MSA, RSI). Le directeur de l’UNCAM et de la CNAMTS sont une seule et même personne. La loi crée l’UNPS qui centralise également la représentation des professionnels de santé dans les négociations sur les tarifs et modalités de prise en charge des soins. Enfin, elle introduit les organismes de complémentaire maladie (essentiellement à travers la FNMF, la FFSA et le CTIP) dans le processus de délibération sur la couverture des soins à travers la création de l’UNOCAM. La loi crée enfin, la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Institut des données de santé (IDS) dont les objectifs sont de produire des données et des avis scientifiques pour les gestionnaires et les décideurs. L’UNCAM est placée au centre du dispositif, entre les caisses (dont il est une émanation), l’État (qui en nomme le directeur), les professionnels et les nouveaux organismes consultatifs. »

Source : Jean-Pascal Higelé « Les formes de la délibération interprofessionnelle . Le sens du dialogue », Sociétés contemporaines, 2012/2 (n° 86), p. 85-111. DOI : 10.3917/soco.086.0085. URL : https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2012-2-page-85.htm

L’article 55 de la loi crée trois unions nationales et pour cela ajoute un chapitre au code de la sécurité sociale « Après le chapitre II du titre VIII du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé ».

Ces trois unions sont
– l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM),
– l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) et
– l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS).
Chaque union fait l’objet d’une section au sein du chapitre ajouté au code de la sécurité sociale.

La création de ces unions a pour but de coordonner les différents acteurs pour la gestion du risque maladie et donc la maîtrise de ses dépenses par l’assurance maladie. On peut entre autres lire :

  • « L’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie examinent conjointement leurs programmes annuels de négociations avec les professionnels et les centres de santé portant sur leur champ respectif. Elles déterminent annuellement les actions communes menées en matière de gestion du risque. » (article L182-3)
  • ou encore « L’Union nationale des professionnels de santé examine annuellement un programme annuel de concertation avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire. » (article L182-4)

Dans le cadre de ce billet, nous ne nous intéressons qu’à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) qui fait l’objet de la section 1 du chapitre ajouté au code de la sécurité sociale (Articles L182-2 à L182-2-7).

«Désormais, l’Uncam constitue l’interlocuteur principal des professions de santé. Émanation des caisses d’assurance maladie, l’Union peut également se prévaloir de sa proximité avec l’État que lui confèrent la nomination du directeur général mais également la présence de ses représentants dans des organes étatiques ».

Source : Didier Tabuteau « L’assurance maladie dans la tourmente économique et politique (2007-2011) », Les Tribunes de la santé, 2011/3 (n° 32), p. 77-88. DOI : 10.3917/seve.032.0077. URL : https://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante1-2011-3-page-77.htm

L’UNCAM est un organe comprenant les représentants des trois principales caisses d’assurance maladie obligatoires : la caisse nationale de l’assurance maladie du régime général, celle des indépendants (à l’époque la caisse des travailleurs indépendants n’avait pas intégré le régime général) et celle du régime agricole. (article L182-2-1)

L’UNCAM est un « établissement public national à caractère administratif » soumis au contrôle de l’État par des commissaires du gouvernement en son sein. (article L182-2-1)

Ici non plus, pas de conseil d’administration, l’UNCAM « est dotée d’un conseil, d’un collège des directeurs et d’un directeur général ». (article L182-2-1)
Le conseil a essentiellement un rôle d’orientation. Il délibère sur « Les projets de loi et de décret transmis par le ministre chargé de la sécurité sociale ». (article L182-2-3)

Le collège des directeurs est composé des directeurs des caisses nationales des trois régimes. Au sein de ce collège, « Le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés dispose de deux voix. Il assure les fonctions de directeur général de l’union. » (article L182-2-1)
Le collège des directeurs « Met en oeuvre les orientations fixées par le conseil » (article L182-2-4) et approuve les contrats passés par les URCAM avec les professions de santé exerçant à titre libéral (article L183-1-1 modifié par l’article 13 de la loi).

Le directeur général « Négocie et signe l’accord-cadre, les conventions, leurs avenants et annexes et les accords et contrats régissant les relations avec les professions de santé […] et les centres de santé» et «Négocie et signe les contrats pluriannuels d’objectifs et de gestion interrégimes » (article L182-2-4). De plus, La caisse d’assurance maladie du régime général « assure la gestion administrative de l’union sous l’autorité du directeur général. Celui-ci exerce les compétences qui ne sont pas attribuées à une autre autorité et met en oeuvre les orientations fixées par le conseil. » (article L182-2-5)

La cascade de pouvoir des directeurs de l'assurance maladie Selon les articles 53, 55 58 et 66 de la loi de 2004

La cascade de pouvoir des directeurs de l'assurance maladie

Selon les articles 53, 55 58 et 66 de la loi de 2004

Ainsi, s’ajoutant à l’article 53 vu plus haut, l’article 55 consolide encore les pouvoirs du directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie du régime général :

« La loi d’août 2004 élargit encore les pouvoirs du directeur de la CNAMTS, qui devient en même temps le directeur général de la nouvelle Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM), rassemblant les trois principaux régimes d’assurance maladie (régime général, agricole et des professions indépendantes). C’est lui désormais qui négocie avec les syndicats de médecins et d’autres professionnels de santé exerçant en ville et qui signe les conventions médicales devant permettre de respecter les objectifs de dépenses d’assurance maladie votés par le Parlement. Il s’agit là d’une prérogative essentielle qui revenait précédemment au président du conseil d’administration de la CNAMTS, issu des rangs des partenaires sociaux. Le directeur général de l’UNCAM décide aussi de l’admission au remboursement des actes et des prestations et du niveau de celui-ci (montant du ticket modérateur et du nouveau forfait par acte et par consultation, place du secteur 2, etc.) »

Source : Patrick Hassenteufel et Bruno Palier « Les trompe-l’œil de la « gouvernance » de l’assurance maladie. Contrastes franco-allemands », Revue française d’administration publique, 2005/1 (no113), p. 13-27. DOI : 10.3917/rfap.113.0013. URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2005-1-page-13.htm

4.2.4 Section 6 : Organisation régionale (Articles 66 à 69) - Modification du mode de gouvernement et renforcement des URCAM

La section 6 est relative aux Unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM). Elle contient les articles 66, 67, 68 et 69.
Nous évoquerons ici principalement l’article 66 qui remanie un chapitre entier du code de la sécurité sociale, auquel il faut ajouter l’article 13 du titre I.

Les URCAM avaient été créées lors de la réforme de 1996 (voir billet précédent), avec l’article L183-1 du code de la sécurité sociale. « L’union régionale des caisses d’assurance maladie est chargée, dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale et des conventions d’objectifs et de gestion mentionnées à l’article L. 227-1, de définir dans son ressort territorial une politique commune de gestion du risque, notamment dans le domaine des dépenses de soins de ville, et de veiller à sa mise en oeuvre. »

L’article 66 y ajoutera « Elle établit notamment à cette fin un programme régional commun à l’ensemble des organismes d’assurance maladie qui fait l’objet d’une actualisation annuelle. » (article L183-1)
L’article L183-1 précise encore :
– « L’union régionale promeut et évalue les actions de coordination des soins et la mise en oeuvre des bonnes pratiques par les professionnels de santé. Elle négocie et signe les différents accords prévus à cet effet »
– « L’union régionale veille à la mise en oeuvre par chacune des caisses des actions de prévention et d’éducation sanitaire nécessaires au respect des priorités de santé publique arrêtées au niveau régional. »
– « L’union régionale a accès aux données nécessaires à l’exercice de ses missions contenues dans les systèmes d’information des organismes d’assurance maladie » etc.
Enfin, « Un contrat de services, établi sur la base d’un contrat type défini par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie mentionnée à l’article L. 182-2, est conclu entre l’union régionale et les organismes de sécurité sociale concernés, et précise les objectifs et les moyens sur lesquels s’engagent les parties contractantes ainsi que les modalités selon lesquelles ces organismes apportent leur concours à l’union régionale. »

Toujours à l’article 66, nous trouverons :

  • L’abandon du conseil d’administration « L’article L. 183-2 du même code est ainsi modifié : 1° Dans les premier et dernier alinéas, les mots : « d’administration » sont supprimés ; 2° Au troisième alinéa, les mots : « d’administrateurs des caisses primaires » sont remplacés par les mots : « de membres du conseil des caisses primaires ». » (voir l’article L183-2)
  • Le conseil délibère ici encore sur les orientations, et quand il s’agit des budgets, « Il approuve, sur proposition du directeur, les budgets de gestion et d’intervention. Ces propositions sont réputées approuvées sauf opposition du conseil à la majorité qualifiée, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. » (article L183-2-1)
  • « Le directeur dirige l’union régionale des caisses d’assurance maladie. A ce titre, il exerce les compétences qui ne sont pas attribuées à une autre autorité et met en oeuvre les orientations fixées par le conseil. Il est notamment chargé : 1° De prendre toutes décisions et d’assurer toutes les opérations relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’union régionale, à sa gestion administrative, financière et immobilière ; 2° D’établir et d’exécuter les budgets de gestion et d’intervention, de négocier et de conclure au nom de l’union régionale toute convention ou accord, notamment le contrat pluriannuel d’objectifs et de gestion interrégimes mentionné à l’article L. 183-2-3 et les accords avec les professionnels de santé de la compétence de l’union régionale, et d’en contrôler la bonne application. » (article L183-2-2)
  • La nomination du directeur de l’URCAM est de la responsabilité du directeur général de l’UNCAM, c’est-à-dire du directeur général de la CNAM du régime général. C’est lui qui peut aussi mettre fin à ses fonctions. Les modalités de nomination sont proches de celles de 1996 (voir précédent billet) : nomination sur une liste d’aptitude, avis préalable des directeurs des caisses nationales d’assurance maladie, possibilité d’opposition du conseil à la majorité des 2/3. (article L183-3)

Par ailleurs, l’article 13 modifie l’article L183-1-1 du code de la sécurité sociale.
Il modifie aussi, dans ses parties II et III, le code de la santé publique relativement aux pratiques hospitalières avec l’UNCAM et les URCAM, sujets que nous ne traiteront pas ici.

Concernant les modifications de l’article L183-1-1, elles concernent essentiellement :
– La possibilité d’intégrer des mutuelles aux contrats que les URCAM peuvent passer avec les « professionnels de santé conventionnés exerçant à titre libéral », sous réserve que « sur les dispositions relatives à la déontologie figurant dans ces accords», les «conseils nationaux de l’ordre des professions concernées » soient consultés.
– Concernant ces accords, ils ne sont plus « approuvés par le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, après avis favorable du directeur d’au moins une autre caisse nationale d’assurance maladie » (version antérieure et initiale de l’article L183-1-1). Ils sont désormais « approuvés par le collège des directeurs de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie ».

4.2.5 En conclusion, un renforcement des pouvoirs de l’État à tous les étages de l’assurance maladie

« La loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie institue une Union des caisses d’assurances maladie (UNCAM) avec un collège de directeurs réunissant, sous la direction du directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie, les directeurs du régime agricole et des travailleurs indépendants. Pour assurer son indépendance,
– le directeur général est nommé pour 5 ans en conseil des ministres et ne peut être démis qu’avec un vote favorable des deux tiers des membres du Conseil ;
– il a autorité sur le réseau des caisses.
Les conseils d’administration du régime général d’assurance maladie sont remplacés par des conseils ayant une fonction d’orientation ; ils perdent notamment leur pouvoir de choisir le directeur de la caisse locale, nommé désormais par le directeur de la Caisse nationale, mesure étendue en 2010 à l’ensemble du régime général. »

Michel Laroque « La Sécurité sociale : un service public décentralisé, doté d’une gestion originale et novatrice », Regards, 2018/2 (N° 54), p. 13-25. DOI : 10.3917/regar.054.0013. URL : https://www.cairn.info/revue-regards-2018-2-page-13.htm

La loi de 2004 relative à l’assurance maladie renforce ainsi considérablement le rôle de l’État dans le gouvernement de l’assurance maladie, puisque désormais il en assume la gestion, par l’intermédiaire du directeur général, à tous les niveaux, c’est-à-dire :

  • non seulement au niveau de la caisse nationale d’assurance maladie du régime général et de l’union des caisses nationales UNCAM, comme résumé par Michel Laroque dans la citation ci-dessus et comme nous l’avons vu dans notre lecture de l’article 53 et de l’article 55 de la loi, respectivement ;
  • mais encore au niveau des caisses primaires (voir notre lecture de l’article 58) et des URCAM (lecture de l’article 66).

Dans ces conditions, le statut mutualiste des caisses primaires et régionales, tel qu’affiché depuis 1945, devenait intenable.

4.3 Ordonnance 2005-804 - Gommage de la référence explicite au statut mutualiste des caisses primaires et régionales de l’assurance maladie.

Les caisses primaires et régionales étaient à l’origine et sans ambiguîté des sociétés mutualistes (comme nous l’avions vu dans ce billet).

4.3.1 Les trois âges du code de la mutualité : 1955, 1985 et 2001

En lisant l’article Wikipedia qui lui est dédié, on comprend que le code de la mutualité a été

4.3.2 Caractérisation d’une mutuelle : une certaine constance au cours des âges

En lisant les différentes versions du code, on peut considérer que certains éléments permettent de caractériser une mutuelle comme notamment :

  • la cotisation des participants
    • deux articles du code de 1955
      • article 1er « Les sociétés mutualistes sont des groupements qui, au moyen des cotisations de leurs membres, se proposent de mener, dans l’intérêt de ceux-ci ou de leur famille, une action de prévoyance, de solidarité ou d’entraide » (extrait)
      • article 3 « Les sociétés mutualistes peuvent admettre, d’une part, des membres participants qui, en échange d’ine cotisation, acquièrent ou font acquérir vocation aux avantages sociaux, d’autre part, des membres honoraires qui paient une cotisation, font des dons ou ont rendu des services équivalents, sans bénéficier des avantages sociaux. » (extrait)
    • deux articles du code en 1986
      • article L111-1 « Les mutuelles sont des groupements à but non lucratif qui, essentiellement, au moyen de cotisations de leurs membres, se proposent de mener, dans l’intérêt de ceux-ci ou de leur famille, une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide » (extrait)
      • article L121-1 « Les mutuelles peuvent admettre, d’une part, des membres participants qui, en contrepartie du versement d’une cotisation acquièrent ou font acquérir vocation aux avantages sociaux, d’autre part, des membres honoraires qui payent une cotisation, font des dons ou ont rendu des services équivalents, sans bénéficier des avantages sociaux. »
    • deux articles du présent code
      • article L114-1 « Les membres participants d’une mutuelle sont les personnes physiques qui bénéficient des prestations de la mutuelle à laquelle elles ont adhéré et en ouvrent le droit à leurs ayants droit. Les conditions dans lesquelles une personne est considérée comme ayant droit d’un membre participant sont définies par les statuts. »
      • article L110-2 « Les mutuelles et les unions qui mènent des activités de prévention ou d’action sociale ou qui gèrent des réalisations sanitaires, sociales ou culturelles ne peuvent moduler le montant des cotisations qu’en fonction du revenu ou de la durée d’appartenance à la mutuelle ou du régime de sécurité sociale d’affiliation ou du lieu de résidence ou du nombre d’ayants droit ou de l’âge des membres participants. Les mutuelles et les unions exerçant une activité d’assurance sont soumises aux dispositions de l’alinéa précédent pour les opérations individuelles et collectives à adhésion facultative relatives au remboursement ou à l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident. »
  • l’élection des membres du conseil d’administration par les cotisants
    • article 10 du code de 1955 « Les membres honoraires et participants de la société se réunissent en assemblée générale, au moins une fois par an, à l’effet notamment de se prononcer sur le compte rendu de la gestion morale et financière du conseil d’administration et de procéder à l’élection, au bulletin secret, des administrateurs et des membres de la commission de contrôle, dans les conditions prévues par les statuts. » (extrait)
    • article L125-1 du code en 1986 « Les membres honoraires et participants de la mutuelle se réunissent en assemblée générale, au moins une fois par an, à l’effet notamment de se prononcer sur le compte rendu de la gestion morale et financière du conseil d’administration et de procéder à l’élection, à bulletin secret, des administrateurs et des membres de la commission de contrôle, dans les conditions prévues par les statuts. » et « Les mutuelles qui, en raison de l’importance de leur effectif ou de l’étendue de leur circonscription, n’ont pas la possibilité de réunir tous leurs membres en assemblée générale peuvent organiser des sections locales de vote. Dans ce cas, l’assemblée est composée des délégués élus par ces sections. » (extraits)
    • quatre articles du présent code
      • article L114-6 « I. – L’assemblée générale des mutuelles est constituée des membres participants et des membres honoraires de la mutuelle. Toutefois, les statuts peuvent prévoir qu’elle est constituée de délégués. Dans ce cas, chaque délégué est élu par une section de vote organisée selon les modalités définies au II ou désigné selon les modalités définies au III. » (extrait)
      • article L144-8 « Les membres des mutuelles, unions et fédérations se réunissent en assemblée générale au moins une fois par an » (extrait)
      • article L114-9 « L’assemblée générale de la mutuelle ou de l’union procède à l’élection des membres du conseil d’administration et, le cas échéant, à leur révocation. Par dérogation à l’article L. 114-18, l’assemblée générale peut procéder directement à l’élection du président de la mutuelle ou de l’union. » (extrait)
      • article L114-16 « Les mutuelles sont administrées par un conseil d’administration composé d’administrateurs élus par les membres de l’assemblée générale dans les conditions fixées par les statuts garantissant le secret du vote, parmi les membres participants âgés de dix-huit ans révolus et les membres honoraires. Les membres participants représentent au moins les deux tiers du conseil d’administration. » (extrait)
  • le pouvoir du président
    • article 18 du code de 1955 « Les sociétés mutualistes sont valablement représentées en justice par leur président ou un délégué ayant reçu du conseil d’administration mandat spécial à cet effet » (extrait)
    • article L123-11 du code en 1986 « Les mutuelles sont valablement représentées en justice par leur président ou par un délégué ayant reçu du conseil d’administration mandat spécial à cet effet. »
    • article L114-18 du présent code « Le conseil d’administration élit parmi ses membres un président qui est élu en qualité de personne physique. Le président du conseil d’administration organise et dirige les travaux de celui-ci, dont il rend compte à l’assemblée générale. Il informe le conseil d’administration des procédures engagées en application des dispositions de la section 6 et de la section 7 du chapitre II du titre Ier du livre VI du code monétaire et financier. Il veille au bon fonctionnement des organes de la mutuelle ou de l’union et s’assure en particulier que les administrateurs sont en mesure de remplir les attributions qui leur sont confiées. »
      Un autre alinéa du même article précise « A l’égard des tiers, la mutuelle ou l’union est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l’objet de la mutuelle ou de l’union, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances. » (extraits)

Notons en revanche que, contrairement aux assurés sociaux de l’assurance maladie, les membres d’une mutuelle peuvent être discriminés en termes de services rendus. En effet,

  • l’article 3 du code de 1955, dans son dernier alinéa, indique que « Les sociétés mutualistes ne peuvet instituer des avantages particuliers, en faveur de certains membres participants et au détriment des autres, s’ils ne sont pas justifiés, notamment, par les risques apportés, les cotisations fournies ou la situation de famille des intéressés. »
  • l’article L121-2 du code de 1985 précise « Les mutuelles ne peuvent instituer, en ce qui concerne le niveau des prestations et des cotisations, des discriminations entre membres ou catégories de membres participants si elles ne sont pas justifiées par les risques apportés, les cotisations fournies ou la situation de famille des intéressés. Les cotisations peuvent être modulées en fonction du revenu des membres participants. »
  • l’article L110-2 du code en vigueur stipule « Les mutuelles et les unions qui mènent des activités de prévention ou d’action sociale ou qui gèrent des réalisations sanitaires, sociales ou culturelles ne peuvent moduler le montant des cotisations qu’en fonction du revenu ou de la durée d’appartenance à la mutuelle ou du régime de sécurité sociale d’affiliation ou du lieu de résidence ou du nombre d’ayants droit ou de l’âge des membres participants. Les mutuelles et les unions exerçant une activité d’assurance sont soumises aux dispositions de l’alinéa précédent pour les opérations individuelles et collectives à adhésion facultative relatives au remboursement ou à l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident. » ainsi que « Les mutuelles et les unions visées au présent article ne peuvent instaurer de différences dans le niveau des prestations qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés ou lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations ont conclu une convention dans les conditions mentionnées à l’article L. 863-8 du code de la sécurité sociale. »
    Le code actuel limite cependant cette discrimination avec l’article 110-3 « Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe. Les frais liés à la grossesse et à la maternité n’entraînent pas un traitement moins favorable des femmes en matière de cotisations et de prestations. » et une précision dans l’article L110-2 « Pour les opérations individuelles et collectives à adhésion facultative mentionnées au présent alinéa, les mutuelles et les unions ne peuvent en aucun cas recueillir des informations médicales auprès de leurs membres ou des personnes souhaitant bénéficier d’une couverture, ni fixer les cotisations en fonction de l’état de santé. »

4.3.3 Des caractéristiques mutualistes qui ne s’accordent plus avec le mode de gouvernement de la sécurité sociale.

En 2004, la cotisation des membres de l’assurance maladie n’était globalement pas une caractéristique contradictoire avec le code de la mutualité. C’est seulement pour 2016 que l’article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 a institué la protection universelle maladie (PUMa): « toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière a droit à la prise en charge de ses frais de santé » (source site ameli). « La protection universelle maladie parachève ainsi la logique initiée par la couverture maladie universelle (CMU) de base en 1999, qui visait à ouvrir des droits à l’assurance maladie aux personnes résidant en France de façon stable et régulière, et qui ne relevaient d’aucune couverture maladie obligatoire. » (source site ameli)

En revanche, d’autres caractéristiques ne se sont rapidement plus accordées avec le code de la mutualité :

  • la participation des cotisants à l’assemblée générale - J’avoue ne pas avoir regardé cet aspect qui n’aura de toute façon plus de raison d’être après la réforme de 1967.
  • l’élection du conseil d’administration - Les administrateurs ne sont plus élus mais désignés à partir de la réforme de 1967 (comme on l’a vu précédemment). Or, si j’ai bien compris, selon le code de la mutualité en vigueur, cette désignation n’est envisageable (article L114-6 titre III) que pour les mutuelles pratiquant des opérations d’assurance, de réassurance et de capitalisation, pour lesquelles l’affiliation est réalisée au moyen d’une opération collective (article L221-2 titre III).
  • le pouvoir du président - La réforme de 1996 avait donné le pouvoir de représentation aux directeurs au détriment des présidents des conseils d’administration. On a vu dans ce billet que la réforme de 2004 a passé la notion de président de conseil d’administration des caisses d’assurance maladie aux oubliettes.

4.3.4 La référence au code de la mutualité est abandonnée en 2005.

C’est pourquoi la référence explicite au code de la mutualité n’était plus tenable.

L’ordonnance n° 2005-804 du 18 juillet 2005 relative à diverses mesures de simplification en matière de sécurité sociale, prise en application de la loi Douste-Blazy de 2004, modifie dans son article 6 cet article L216-1 :« I. - Au premier alinéa de l’article L. 216-1 et à l’article L. 611-2 du même code, les mots : « prescriptions du code de la mutualité, sous réserve des » sont supprimés. II. - Au deuxième alinéa de l’article L. 216-1 du même code, les mots : « code de la mutualité » sont remplacés par les mots : « présent code ». ».

On peut donc y lire (article L216-1 version 2005) « Les caisses primaires et régionales d’assurance maladie, la caisse régionale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés de Strasbourg et les caisses d’allocations familiales sont constituées et fonctionnent conformément aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application. »

La version actuelle de l’article L216-1, suite aux continuelles évolutions du code de la sécurité sociale, maintient cette définition : « Les caisses primaires d’assurance maladie et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle et les caisses d’allocations familiales sont constituées et fonctionnent conformément aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application. ».

À mon sens cependant, la définition de l’article L216-1 (« constituées et fonctionnent conformément aux dispositions du présent code ») a un goût d’autoréférencement qui interroge. Je n’irai pas plus loin sur ce sujet, n’ayant pas les compétences juridiques suffisantes.

4.4 Loi 2009-879 - Les ARS absorbent les organismes régionaux d’assurance maladie.

4.4.1 Une loi foisonnante

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST (hopital, patients, santé, territoires), est volumineuse et couvre de nombreux sujets.

« Elle comprend cent trente-cinq articles, s’étend sur une quarantaine de pages du Journal officiel et nécessite deux cent quarante décrets d’application. Son champ s’étend de la rénovation du statut et de la gouvernance des hôpitaux à la création des Agences régionales de santé (ARS) et des Communautés hospitalières de territoire (CHT), en passant, par exemple, par la réforme de la coopération entre professionnels de santé ou encore l’adaptation du statut des thermes nationaux d’Aix-les-Bains (article 134) ! »

Extrait de « La santé des Français : Quels résultats ? Quelles réformes ? » par Pierre de Montalembert in Cahiers français 369 La santé, quel bilan ? (La documentation Française 2012)

Dans le cadre de ce billet, nous n’aborderons qu’un aspect de cette réforme, l’absorption des URCAM et des CRAM par les ARS.

4.4.2 Missions des agences régionales de santé

Les agences régionales de santé (ARS) ont été crées par la loi HPST de 2009, dite loi Bachelot. Elles sont traitées au titre IV Organisation territoriale du système de santé (articles 116 à 135) de la loi HPST.

Son article 118 notamment ajoute un titre III Agences régionales de santé au livre 4 (version au 1/4/2010) du code de la santé publique (articles L1431-1 à L1435-7).

« Dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, une agence régionale de santé a pour mission de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation, à l’échelon régional et infrarégional :
des objectifs de la politique nationale de santé définie à l’article L. 1411-1 du présent code ;
des principes de l’action sociale et médico-sociale énoncés aux articles L. 116-1 et L. 116-2 du code de l’action sociale et des familles ;
des principes fondamentaux affirmés à l’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale.
Les agences régionales de santé contribuent au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. »

extrait de l’article L1431-1 du code de la santé publique

Ainsi, « Les agences régionales de santé sont chargées, en tenant compte des spécificités de chaque région : 1° De mettre en œuvre au niveau régional la politique de santé publique définie en application des articles L. 1411-1-1 et L. 1411-2, en liaison avec les autorités compétentes dans les domaines de la santé au travail, de la santé scolaire et universitaire et de la protection maternelle et infantile. » et « 2° De réguler, d’orienter et d’organiser, notamment en concertation avec les professionnels de santé, l’offre de services de santé, de manière à répondre aux besoins en matière de soins et de services médico-sociaux, et à garantir l’efficacité du système de santé. » (extraits de l’article L1421-2 du code de la santé publique)

Les champs de compétence des ARS, graphique issu de http://handipole.org/IMG/pdf/dossier_documentaire_ars.pdf

Champs de compétence des ARS

Selon le dossier handipole.org sur les ARS

4.4.3 Gouvernement des agences régionales de santé

« Les agences régionales de santé sont des établissements publics de l’Etat à caractère administratif. Elles sont placées sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l’assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées. Les agences régionales de santé sont dotées d’un conseil de surveillance et dirigées par un directeur général. » (extrait de l’Art.L. 1432-1).

Dans l’article « Les agences régionales de santé : missions et organisation » du numéro 74 de la revue adsp du Haut conseil de la santé publique, il est précisé « Nommé en conseil des ministres, évalué par le seul Conseil national de pilotage des agences régionales de santé (CNP), le directeur général de l’ARS est doté de pouvoirs incontestablement forts. »

Dans le cadre de ce billet, je n’irai pas plus loin sur le rôle, le gouvernement et le fonctionnement des ARS. On pourra consulter le dossier documentaire « Les agences régionales de santé », rédigé en 2010, sur le site http://handipole.org/.

4.4.4 Pour remplir leurs missions, les ARS absorbent des organismes existants, y compris de l’assurance maladie.

L’article 129 de la loi précise à quels organismes se substituent les ARS, et les modalités de transfert de leurs activités, droits, obligations, biens et de leurs personnels : « l’agence régionale de santé est substituée, pour l’exercice des missions prévues à l’article 118, à l’Etat, à l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH), au groupement régional de santé publique, à l’union régionale des caisses d’assurance maladie, à la mission régionale de santé ainsi que, pour la partie des compétences transférées, à la caisse régionale d’assurance maladie. »

Concernant les organisme d’État non détaillés par l’article 129, nous trouvons (source ARS Bretagne) :
– la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass),
– la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass).

Organismes absorbés pour constituer les ARS selon l'article 128 de la loi HPST

Organismes absorbés pour constituer les ARS

selon l’article 128 de la loi HPST

Il faut noter que les caisses régionales d’assurance maladie traitaient pour partie de la branche maladie et pour partie de l’assurance vieillesse et des risques professionnels (branche accidents du travail et maladies professionnelles AT/MP) (voir l’ancien article L215-1 du code de la sécurité sociale). Avec la loi Bachelot, la partie traitant de la branche maladie est intégrée aux ARS, tandis que les autres parties vont constituer les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). Dans ce cadre, l’article 128 va, entre autres, transformer le chapitre dédié antérieurement aux CRAM pour traiter des CARSAT (articles L215-1 à L215-7 du code de la sécurité sociale).

Ainsi, les prérogatives et moyens de la branche maladie (tous régimes confondus : régime général, régime des indépendants et régime agricole) assurées initialement par les CRAM (ou ce qui en tient lieu pour le régime des indépendants et le régime agricole) et les URCAM sont intégrés aux ARS.

Une autre organisation aurait été pourtant possible, comme expliqué dans une note de 2008 « Régionalisation de la santé - Etat déconcentré (Ritter) versus Etat paritaire (Bur) » établie par le cabinet Nile :

« Aujourd’hui, la régionalisation de la santé, dans ses dimensions organisationnelle et financière, fait l’objet d’un consensus politique comme en témoignait sa présence dans les programmes politiques des trois principaux candidats à l’élection présidentielle. Derrière ce consensus, se cachent des visions bien différentes de la répartition des rôles de chacun des acteurs. Les rapports d’Yves Bur (député UMP du Bas-Rhin) et de Philippe Ritter (Préfet honoraire/ancien directeur d’ARH) sont symptomatiques : s’ils dressent un état des lieux similaire et prônent la régionalisation, leur modalité de mise en œuvre diffèrent. »

L’alternative était clairement explicitée dans le rapport Bur établi au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale :

« Au cours de ses travaux, la mission a plusieurs fois été conduite à étudier les avantages et les inconvénients d’un transfert aux ARS de la gestion du risque et, nécessairement, des équipes de l’assurance maladie qui, au sein des CPAM et des URCAM, opèrent la gestion du risque (ces équipes représentant presque un tiers des 80 000 agents de l’assurance maladie, d’après les informations fournies à la mission).
Votre rapporteur souligne qu’il s’agit là d’un choix fondamental, qui doit procéder d’une option stratégique fondamentale sur l’organisation de notre système de santé :
-– transférer la gestion du risque aux ARS permettrait d’unifier totalement le pilotage régional du système de santé, lui conférant ainsi une grande lisibilité. Cela pourrait aussi, selon la ministre de la santé, contribuer à une meilleure prise en compte des questions financières par les administrations chargées de la planification sanitaire. En revanche, une telle mesure reviendrait à cantonner l’assurance maladie à un rôle de simple payeur, et irait de ce fait dans le sens d’une véritable « étatisation » du système de santé ;
– confier la gestion du risque à une direction régionale de l’assurance maladie (DiRAM), distincte de l’ARS, serait cohérent avec une organisation du système de santé reposant sur la distinction des missions d’assureur, chargé de réguler le système de santé en exerçant une fonction de remboursement avisé des soins, et des missions d’organisateur de l’offre de soins, chargé de planifier l’offre et de gérer les structures de production de soins.
Les deux options méritent d’être examinées. »

Extrait du Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les agences régionales de santé n° 697 déposé le 6 février 2008 par M. Yves Bur, chapitre III.A.5. « Confier ou non la gestion du risque aux ARS relève d’un choix stratégique fondamental quant à l’organisation de notre système de santé »

C’est, globalement, la première option (unification du pilotage régional) qui a été mise en oeuvre par la loi Bachelot, avec l’intégration des CRAM (branche maladie) et des URCAM.

4.5 En conclusion, les partenaires sociaux sont désormais écartés de la gestion de l’assurance maladie.

« La comparaison entre la France et l’Allemagne montre des transformations relativement similaires du partenariat social dans ces deux systèmes de protection sociale dit « bismarckiens ». Dans les deux pays, les partenaires sociaux, qui étaient originellement des acteurs centraux, ont été écartés de la gestion de ces secteurs. »

Louise Hervier, « Affaiblissement syndical dans l’assurance maladie : comparaison entre la France et l’Allemagne », Informations sociales, 2011/5 (n° 167), p. 40-50. DOI : 10.3917/inso.167.0040. URL : https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2011-5-page-40.htm

La décennie 2000 a été particulièrement significative pour la sécurité sociale et notamment l’assurance maladie :

  • Le rôle de la direction de la sécurité sociale a été renforcé (2000).
  • Le pouvoir des directeurs s’est définitivement (confirmant 1996) substitué aux conseils d’administration des caisses d’assurance maladie (2004).
  • Les unions et caisses locales (régionales et primaires) ne sont alors plus régies par le code de la mutualité (2005).
  • Les instances régionales (unions et caisses) de l’assurance maladie sont ensuite intégrées aux ARS (2009).

En d’autres termes, l’État pilote dorénavant directement le régime général de l’assurance maladie.

Dans un prochain billet j’essaierai de mettre en perspective cette évolution de presque 80 ans de gouvernement de la sécurité sociale. Cela devrait constituer la conclusion de cette série d’articles.


———- La citation :

Le tumulte du vent les vagues de la mer
l’appel intermittent des sirènes du feu
le grand vent et le froid les neiges de l’hiver
tout me ramène à vous compagnons du grand jeu

Les bottes du Poucet oublieuses des guerres
tricotent leur chemin malgré les conquérants
L’amour et l’amitié ont d’autres planisphères
que les plaines de sang où crient les loups errants

Je vous entends la nuit je vous attends le jour
mes amis qui parlez dans vos prisons de vent
je tends vers vous mes mains mes doigts tremblants et gourds
mes mains que trop de morts disputent aux vivants

Les cités englouties mènent au fond des eaux
une lente et pesante et ténébreuse vie
J’entends sonner pourtant dans la plainte des flots
les cloches de Fingal encore inasservies

Les lames sans répit déferleront sur nous
qu’importe à celui-là dont le coeur est fidèle
Laissons glisser les eaux laissons hurler les loups
Liberté dans la nuit les cloches parlent d’Elle.

Claude Roy « Les vagues de la mer » (1943) in Poésies, Gallimard 1970


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